Espoirs pour notre société post-COVID

By Adrien Joly, Apr 25, 2020

Pour faire suite à “Confinement, entre autres nouvelles” et “Après le COVID, qu’aurons-nous à Construire”, je tenais à partager quelques reflexions et espoirs que je cultive sur notre société, telle qu’elle pourrait devenir après cette crise COVID-19.

Dans mon précédent article, j’évoquais notamment:

Dans cet article, je tiens à partager quelques pistes qui me paraissent prometteuses, en réponse aux constats et défis auxquels nous sommes confrontés.

L’herbe est-elle plus verte ailleurs ?

Certains foyers sont traités très injustement dans cette situation de crise. Je pense aux parents devant télé-travailler à la maison tout en s’occupant de leurs enfants. Je pense à celles et ceux qui, contraints de sortir travailler malgré le confinement, se mettent en danger. Mais surtout à celles et ceux qui se retrouvent en difficultés de subvenir aux besoins essentiels de leur foyer.

En de telles circonstances, certains organisent des barbecues avec leurs amis, d’autres constituent des groupes de discussion dans les supermarchés. Même si ces comportements sont irresponsables car ils annulent l’effort collectif de lutte contre la pandémie, j’arrive à concevoir qu’ils soient provoqués par un ras-le-bol des foyers les plus impactés par le confinement, par leur perte de confiance envers l’état et la stratégie de lutte qu’il mène contre la pandémie.

Dans ce contexte, nous observons comment les autres pays s’y prennent. Certains ont mis en place une politique de tests de large envergure dès les premiers cas de COVID. D’autres ont décidé de ne pas imposer de confinement. Il est donc tentant de critiquer les décisions de nos dirigeants. De les traiter d’incapables. Voire de renier toute la classe politique qui gouverne notre pays, et les forces de l’ordre qui assurent l’exécution de leurs directives.

Même si, encore une fois, je comprends qu’un sentiment d’injustice puisse pousser à ce rejet, je pense qu’il est important de se rappeler que l’herbe est rarement aussi verte qu’on le croit chez nos voisins, mais aussi que ne pas respecter la distanciation sociale n’est pas une rébellion. C’est un acte égoïste et irresponsable car il contribue à l’engorgement des hôpitaux et peut mettre en danger votre entourage.

J’espère donc que ces actes de critique et de “rébellion” puissent laisser place à une manière plus constructive de repenser notre quotidien et notre société. D’employer notre temps à la prise de recul et à l’entraide, plutôt qu’au rejet et à la haine.

Repenser notre manière de vivre

Le confinement nous empêche de poursuivre une partie importante de nos habitudes professionnelles, récréatives et sociales. Même si certains d’entre nous sont contraints de continuer à sortir pour aller travailler, nous sommes pour la plupart confinés chez nous toute la journée. Nous découvrons alors les aléas d’une cohabitation ininterrompue avec notre famille, notre conjoint, ou colocataires. Et nous souffrons de ne plus pouvoir profiter des commerces et activités qui rythment habituellement nos semaines: shopping, cafés, concerts, sports et autres divertissements qui nous permettent de passer du bon temps avec nos amis, et nous changer les idées.

Au delà des divertissements domestiques habituels (ex: TV, Netflix, jeux vidéos…), cette contrainte nous force à faire preuve de créativité. On ressort les jeux de société, on s’essaye au concept de visio-apéro, puis on se met à suivre avec attention les émissions de gym pour ne pas (trop) perdre la forme. Il faut dire que nombreuses entreprises, institutions et quelques individus nous encouragent à respecter le confinement en mettant à disposition des contenus et services de manière inédite. Par exemple, l’éditeur du jeu “blanc-manger-coco” a diffusé une version permettant de jouer avec des amis à distance, certains coachs sportifs diffusent des séances de gymnastique gratuitement via les réseaux sociaux, des musées proposent des visites virtuelles et des pièces d’opéras peuvent être vues depuis notre salon. (cf l’excellente sélection d’activités recommandées par Izidore)

J’ai eu la chance de participer à quelques activités assez originales qui auraient eu moins de chances de fonctionner si nous n’étions pas confinés:

Ce ne sont que quelques exemples d’activités auxquelles je ne me serais pas prêté si le confinement n’avait pas eu lieu. Il est probable que vous ayez vous aussi découvert avec enthousiasme des activités nouvelles dans ces circonstances. N’est-ce pas rafraichissant ?

Je souhaite au passage manifester mon optimisme quant au développement et de la progressive démocratisation des jeux et expériences en réalité virtuelle (VR).

Premièrement, je suis l’heureux possesseur d’un casque Oculus Quest depuis l’été dernier. Ce casque me permet notamment de m’évader sans sortir de chez moi, mais aussi de suivre une routine d’exercices physiques. (comme en témoignera peut-être cet extrait d’une session de 45 minutes de boxe que j’ai effectuée il y a quelques jours)

Par ailleurs, la réalité virtuelle fait émerger des usages inédits et prometteurs. Par exemple, alors que certains développent un jeu vidéo qui se joue sur vélo d’appartement (cf cette video de “Max Delivery” sur Twitter), d’autres sont agréablement surpris de tenter l’expérience d’une discothèque virtuelle.

Wild time at Club Hex in @SomniumSpace #VR with about 10 people & a live DJ... 🎧🕺

I've been to a number of physical nightclubs, pretty trippy partying in a virtual one..

No worries about C19, no crazy drink prices, no driving.. #SocialVR definitely has its advantages. 🤪🥽 pic.twitter.com/JtRhvvf5TI

— Carlos Matias (@CarlosL124) April 4, 2020

Enfin, au delà des usages sportifs et ludiques, la réalité virtuelle permet de recréer du contact social en période de distanciation sociale. Je mentionnais dans mon précédent article une conférence qui avait eu lieu en réalité virtuelle.

À l’échelle plus locale – en tout cas dans les grandes villes – certains évènements de communautés d’intérêt ont désormais lieu par Internet, rendant ces rencontres accessibles à des personnes qui ne peuvent s’y rendre. Certes, je n’ai pas encore vu de Meetup avoir lieu en réalité virtuelle, mais je ne serais pas surpris que cela se démocratise prochainement.

Pour résumer, je pense que le confinement nous a permis d’expérimenter et de développer des manières alternatives de passer du temps ensemble, de nous distraire, de faire du sport et d’apprendre. Je trouve ces alternatives prometteuses car elles pourraient:

J’espère donc que ce type d’expérimentations à grande échelle contribuera à désengorger nos villes, tout en permettant à plus de personnes de bénéficier de certains avantages qui étaient jusqu’ici réservés aux citadins.

Repenser notre manière de travailler

Dans la partie précédente, nous avons parlé d’activités sociales et de loisirs. Le confinement a également eu un impact substantiel sur notre manière de travailler. Au moins pour une partie de la population française: celles et ceux qui se déplacent quotidiennement pour se rendre au bureau. Que pouvons-nous en retirer ?

Le confinement met en difficulté financière nombreuses entreprises, car il se manifeste par une baisse du chiffre d’affaires, et donc de leur capacité à rémunérer leur employés. Pour parer à cela, le gouvernement a promis des aides, notamment la mise en place d’un chômage partiel financé en partie par l’état. Néanmoins, cela ne reste des promesses à ce stade, donc la situation reste extrêmement précaire, notamment pour les petits commerces et entreprises de tailles petite et moyenne dont l’activité est à l’arrêt. Nous avons en tout cas la chance de vivre dans un pays qui propose des allocations chômage en cas de perte d’emploi, et surtout: une sécurité sociale qui permet à tous d’être pris en charge en cas de problème de santé. Ce qui n’est pas si évident aux États-Unis, par exemple.

Une partie des employés de bureau (dont je fais partie) est invitée à télé-travailler. Alors que certains avaient essayé en vain de convaincre leur employeur de les laisser travailler depuis chez eux, au moins une fois de temps en temps, voilà que le télé-travail se retrouve désormais être une recommandation d’état !

Malheureusement, cette découverte du télé-travail ne se passe pas dans un contexte idéal. Toutes les entreprises et équipes n’ont pas été préparées à assurer une transition fluide vers ce mode de travail particulier. Mais surtout: nombreux se retrouvent à devoir cumuler travail à la maison et surveillance de leurs enfants, sachant que les écoles sont fermées. Nombreux ont dû déchanter à cause de ce cumul. Ou, à minima, faire faire aux difficultés classiques auxquelles la plupart des télé-travailleurs ont du s’adapter, notamment: disposer d’un lieu calme, d’une bonne connexion à internet, d’un bureau et d’une chaise permettant d’assurer une ergonomie de base, et d’un logiciel de visioconférence qui fonctionne à tous les coups… Enfin, certains se retrouvent noyés dans d’incessantes réunions en visioconférence, couteuses en énergie et en temps pour avancer sur ses propres taches.

Bref, je pense qu’il est raisonnable d’estimer que l’impact du confinement sur notre vie professionnelle est plus négatif que positif, a l’échelle du pays.

Néanmoins, pour ces télé-travailleurs de circonstance, le confinement aura au moins eu le mérite:

Par ailleurs, j’ose espérer que certains employés qui se sont retrouvés au chômage partiel auront apprécié d’avoir un peu plus de temps à consacrer à leur famille et à eux-mêmes. Que ce soit pour prendre le temps de cuisiner plus, de lire plus ou de démarrer (ou reprendre) un hobby.

J’ai donc espoir que les impacts du confinement sur notre manière de travailler encouragent plus d’entreprises à donner de la flexibilité à leurs employés: en permettant celles et ceux qui le souhaitent de travailler à distance et/ou d’aménager leur temps de travail à leur guise. (ex: permettre de travailler 4 jours sur 5)

Et, si c’est le cas, nous aurons peut-être la chance de voir nos villes se désengorger un peu, augmentant la qualité de vie de celles et ceux qui auront décidé d’y rester, tout au redonnant de la vie à certains villages qui avaient été délaissés par l’exode rural.

Repenser le fonctionnement de notre économie

Dans la première partie de cet article, je déplorais le fait que certains français se permettent des écarts dangereux à la distanciation sociale que nos dirigeants ont décidé. Même si nous pouvons reconnaitre certains de ces écarts comme des gestes de rébellion envers un gouvernement en lequel nombreux n’ont plus confiance, il convient de se rappeler que chaque écart peut avoir des conséquences fatales sur la santé de nos proches.

J’aimerais qu’au lieu de critiquer nos dirigeants, nous portions un oeil critique sur la manière dont notre économie mondiale se comporte en ce moment.

Par exemple: comment peut-on admettre que des ressources très couteuses (comme expliqué dans mon dernier article) comme le pétrole se retrouve vendues à un prix négatif sur notre marché mondial ?

BOOM 🤯 Price is now negative -$37 meaning you can now get 1 Barrel of oil for FREE + receive $37 in cash. I'm sure you can also negotiate an ice cream with that deal🤷‍♂️ pic.twitter.com/XXXHIBJm1J

— Julien Bouteloup (@bneiluj) April 20, 2020

De mon point de vue, une telle possibilité est une aberration. Et si le fonctionnement de notre économie peut l’expliquer, cela signifie que nous devons la repenser.

J’ai compris que notre économie était basée sur la croyance partagée d’une création de valeur permanente (c’est très bien expliqué par le livre “Sapiens”), d’une croissance. C’est admissible si on considère que les ressources sont infinies, et que nous maitrisons les conséquences de la consommation de ses produits. Force est de constater que nos ressources sont loins d’être infinies, et que ce modèle de consommation rend notre planète insalubre. Il me semble qu’il est temps d’arrêter de courir après la croissance, et de commencer à penser durable. Cf ce manifeste signé par 170 scientifiques néerlandais.

Je remercie au passage Roxanne Varza, directrice de l’incubateur de startups Station F, pour son appel à développer des startups dont la finalité est durable plutôt que de chercher la croissance à tout prix. Son appel constitue une excellente réponse à l’article de Marc Andreessen que je critiquais ardemment dans mon article précédent.

Pour résumer ma pensée sur ce qui me semble constituer les exigences essentielles et universelles qui devraient être à la base de notre économie, je me permets une reformulation d’un tweet de Jessica Wicks:

Les moyens de vivre dignement devrait être donnés à tous. À minima: un toit, de quoi se nourrir et prendre soin de soi. Ces moyens doivent être fournis sans contre-parties et ne doivent pas être tributaires de fluctuations économiques. Le travail doit être un moyen d’accéder à un niveau de confort supérieur, pas un moyen de survie.

J’ajouterais à ces droits de base: l’accès à l’éducation, à la libre communication avec le reste du monde (que ce soit physiquement ou via Internet), et à la justice.

En France, ces droits sont partiellement garantis par des allocations, soumises à des démarches de justification d’état civil, de situation, et sont tributaire des fluctuations du marché. Par exemple, le RSA n’est pas accessible à tous, et il est insuffisant pour vivre dans certaines parties du territoire où la vie est chère.

L’Économie de marché est un des rares modèles que nous sommes parvenus à établir de manière mondiale. Ne pourrions-nous pas proposer et adopter une économie différente, basée sur la durabilité plutôt que sur la croissance, et garantissant – à minima – l’accès à la dignité pour tous les humains ?

Je ne sais pas comment définir les rouages d’une telle économie, ni comment convaincre tous les pays du monde d’y adhérer. En revanche, je place mon espoir sur au moins trois mouvements qui font couler de l’encre depuis quelques années:

🌠🙏🙏🙏
"The coronavirus crisis could pave the way to universal basic income" https://t.co/LcNZ9MP7eX

— Adrien Joly (@adrienjoly) April 18, 2020

Je sais que l’idée de Revenu Universel de Base est controversée. Cette option commence pourtant à être prise au sérieux, près de chez nous. En effet, le Pape l’a mentionné comme solution valable pour permettre aux citoyens de se relever suite aux dommages causés par le COVID, et le gouvernement espagnol songe à le mettre en place.

Voici quelques raisons pour lesquelles je pense que le Revenu Universel de Base est pertinent et probablement viable:

Dans cette partie, j’ai suggéré que nous manifestions notre rébellion envers le gouvernement en le guidant vers un modèle de société plus digne, plutôt qu’en commettant des infractions à la distanciation sociale. J’ai mentionné trois exemples de modèles sociaux qui m’inspirent, et ai listé les raisons pour lesquelles je crois que mettre un place un Revenu Universel de Base serait un excellent moyen de remettre la France sur pied après la crise.

Conclusion

Je suis soulagé d’avoir enfin pris le temps d’écrire ce que j’avais dans la tête, et sur le coeur !

Je suis certain que vous serez nombreux à ne pas être d’accord avec moi, et j’accepte l’idée que nous ayons des opinions et croyances différentes. Pour autant, je me réserve le droit d’ignorer toutes celles et ceux qui s’adresseraient à moi dans le but de contredire mes opinions, et/ou si j’estime que le ton employé n’est pas approprié.

En revanche, je suis preneur de points de vue différents et d’éléments d’informations qui pourraient confirmer ou contredire (de manière constructive) les faits et arguments avancés dans cet article. Dans ce cas, au plaisir de vous lire via Twitter ou par email: contact suivi par @adrienjoly.com.

Sur ce, prenez bien soin de vous et de vos proches, et continuez de rester chez vous !

Adrien